Simon

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SIMON, 21 ans

A la différence des autres histoires, c’est moi qui vais vous raconter celle-ci. 

Je l’ai découvert sur tiktok en décembre, et j’ai tout de suite été fascinée par son histoire. 

L’histoire de Simon commence en Roumanie, le 25 juillet 2019 à 23h25, il monte sur le toit d’un train pour prendre un selfie et se fait frapper par un arc électrique de 27000 Volt. Il est projeté sur les rails, et ne peut plus bouger. Ses amis partent à sa recherche mais le chef de gare leur explique gravement que s’il s’est fait frapper par un arc électrique, il est sûrement déjà mort. 

Mais ce soir-là, il n’est pas mort.

Ses amis finissent par le retrouver plus bas sur les rails, brûlé au 3 ème degrés. Les pompiers arrivent très vite sur place, et la seule chose qu’il leur dira c’est qu’il ne veut pas mourir. 

Il est évacué en hélicoptère jusqu’à Bucarest, à la suite il sera rapatrié en France et placé dans la section grands brûlés de l’hôpital de Lyon. Sa famille et sa petite-amie sont déjà sur place et il est plongé dans le coma pour 1 semaine. 

La description qu’il m’a faite du coma est assez chaotique, il avait l’impression d’être attaché en haut d’une falaise et que le monde brûlait autour de lui. 

Sous médicamentation, il se rappelle avoir l’impression d’être dans la tente où il était avec ses amis scoot :

“C’était comme un rêve un peu bizarre. J’étais au milieu de la tente, avec mon sac sur le dos, je ne pouvais pas bouger, c’est peu après que j’ai appris que j’étais paraplégique. Je vois un ami me dire qu’il est désolé. J’essayais de le rassurer, je me suis rendu compte que je parlais seul dans ma chambre de réanimation. C’est le moment le plus flou pour moi car j’étais sous anesthésiques et n’étais pas maître de moi-même à ce moment. J’ai ouvert les yeux et je me suis rendu compte que j’étais dans ma chambre d’hôpital et que je parlais tout seul, je réconfortait un ami qui n’était pas là”

Il était très entouré que ce soit par sa famille ou par ses amis, dans une bulle d’amour. La journée, il recevait des visites de ses parents, sa petite amie et des amis. Il était aussi très soutenu spirituellement par sa famille mais aussi par sa paroisse. Sa petite amie s’est installée à Lyon le temps de son hospitalisation et elle venait tous les jours le voir. 

La nuit, il n’arrivait pas à dormir, il n’avait pas de téléphone et il ne pouvait pas changer de position. Ce qui l’empêchait le plus de dormir, c’était la solitude. Il faisait exprès de faire tomber sa canule nasale pour faire sonner l’alarme et qu’une aide soignante vienne le voir. 

“Au début je n’avais pas de téléphone, ça peut paraître bête mais ça allait avec l’enfer que je vivais lors de mon réveil : c’est que j’étais vraiment tout seul dans une pièce, attaché, sans téléphone et sans distraction. Le jour, ça allait même si je me faisais charcuter, je sentais qu’il y avait de la présence que j’étais pris en charge. Quand tu es paralysé mine de rien tu es vraiment à la merci des soignants, mais ça allait. Je me sentais entouré.” 

Il a beaucoup souffert lors des soins et il était très embrumé avec le Kalinox, un gaz calmant. 

Finalement, il se “laissait aller” la journée à dormir et se reposer car il se sentait rassuré. Il donne une description très sombre des nuits qu’il passe à l’hôpital, il est en réanimation dans un siège, dans le noir. 

“Il faisait nuit, j’étais dans le noir, je voulais vraiment qu’il y ait des gens autour de moi sinon je paniquais, je pleurais, sur les premiers jours je n’avait pas assez de force pour parler c’était horrible comme situation. J’avais trouvé le moyen de retirer ce qui m’aidait à respirer pour faire venir les aides soignantes, elles venaient et me remettais la canule et moi je les suppliais de me bouger, de me changer de position, je leurs disais que je n’arriverais jamais à dormir, et en fait je m’endormais jamais.” 

Il s’en voulait énormément de faire venir les infirmières toutes les nuits. 

Lors des visites, il se rend compte aujourd’hui qu’il était difficile à vivre, il se sentait néanmoins suffisamment en confiance pour se confier.

“Je jouais souvent aux cartes avec ma copine et mes amis quand ils venaient, et même pendant ces moments où je savais que les gens se déplaçaient pour me voir et me réconforter, j’avais ce besoin de râler, d’extérioriser, je n’étais pas bien du tout. Je m’en veux de leur avoir fait subir ça, mais j’avais besoin de montrer qu’à ce moment-là ça n’allait pas.”

Il craquera pour la première fois avec ses grands-parents, car c’est à ce moment-là qu’il se rendra compte de son état. C’est devant eux qu’il pleurera en premier, et qu’il se livrera. 

Après une longue période de soin, il a subi une lourde opération de greffe. Suite à cela, il n’y avait plus que des changement de bandage à faire le matin. Il a été envoyé à Paris, aux Invalides.

Arrivé aux Invalides, il a commencé à aller de mieux en mieux, il prenait sa douche seul. Sa famille lui a apporté un lecteur DVD. C’est pendant sa période d’hospitalisation qu’il a récupéré son téléphone et que ses parents lui ont pris un forfait illimité. Il dit être devenu “accro” à son téléphone. 

Il n’avait pas le droit de sortir, mais il avait le droit à des permissions. La première à duré une journée, il est parti et est revenu en ambulance. 

La deuxième a duré un week-end, il était un peu stressé car sa chambre, chez lui, est au 1er étage. Il n’était pas à l’aise à l’idée de ne pas avoir tout ce qu’il avait à l’hôpital pour l’aider.Il a passé son premier week-end avec son meilleur ami.

Il n’avait plus de muscle dans les jambes, même avec une aide extérieure il ne pouvait pas marcher.

“Mon meilleur ami est venu le week-end de ma permission, il est monté dans l’ambulance avec moi. Il dormait à la maison, c’était la première fois que je dormais avec quelqu’un dans la même pièce depuis mon accident. J’étais très stressé. C’était lors du premier mois, je ne tenais même pas encore assis sans dossier. Finalement, la nuit s’est super bien passée. D’ailleurs, ça faisait plus d’un mois et demi que je n’avais pas dormi ailleurs que dans un lit d’hôpital. Ca m’angoissait aussi un peu, j’avais peur de me noyer dans le lit parce qu’il était super moelleux, je ne maîtrisait plus mon corps.” 

Sa rééducation intensive a commencé peu après, il avait un emploi du temps toutes les semaines imprimé sur la porte de sa chambre. Il avait de la kinésithérapie, de l’ergothérapie, de la balnéothérapie, rendez-vous chez le psychiatre, etc… Il était tout de même heureux de commencer ce programme malgré la fatigue, il commençait une nouvelle vie.

“Je me sentais super autonome et indépendant. Au début je ne pouvais pas me mettre seul sur mon fauteuil, j’avais besoin de quelqu’un pour aller dessus. Je devais appeler chaque fois, parfois juste pour aller aux toilettes. Il y a un moment où j’y suis allé tout seul, j’ai réussi et je leur ai demandé de me laisser faire les choses par moi même. Là j’avais l’impression d’être dans ma petite vie, j’avais mes habitudes. Ma mère m’emmenait des céréales tous les matins pour mon petit déjeuner, je prenais le petit déj en regardant des animés. J’allais ensuite à la douche, j’allais seul sur mon fauteuil j’étais très content, je descendais ensuite j’allais voir mon kiné. J’ai noué un bon lien avec lui. ”

A force, il avait tout de même l’impression d’être enfermé à l’hôpital. Il passait rarement une journée seul parce que sa famille et ses amis venaient souvent le voir. 

“Quand j’avais pas de rééducation et que ma famille et mes amis ne venait pas me voir, je me sentais extrêmement seul, les journées étaient très longues. L’hôpital c’était un peu ma maison.”

Un jour, ils l’ont fait monter sur une machine semblable à un tapis de course amélioré. Il était très assisté mais sur cette machine, il fera ses premiers pas depuis l’accident. 

“Je me rappelle m’être dit comment c’est possible que tout le monde arrive à tenir sur ses jambes, à se lever ? Tout le poids de ton corps tient sur deux jambes, c’est normal pour tout le monde c’est instinctif alors que quand tu es handicapé ça te paraît énorme. Mes genoux se verrouillaient, je tombais tout le temps au début. Je ne pliais pas mes jambes donc je marchais comme un robot. Quand ma famille venait et qu’on jouait à des jeux de société ensemble, je voulais me lever pour les aider à ranger mais j’en étais pas encore capable et ça me frustrais énormément. Je ne peux plus courir, parfois j’ai ce réflexe de vouloir courir je me dis que c’est simple mais pas du tout. Normalement je peux progresser encore, mais j’ai tendance à être assez pessimiste, je ne vois pas forcément d’amélioration. Les progrès sont tellement infimes qu’aujourd’hui je ne m’en rends plus compte. »

Aujourd’hui il se demande si les gens lui disent qu’il y a du progrès parce qu’ ils veulent y croire, parce qu’ils sont trop optimistes, lui ne les voit plus. 

Il continue la rééducation malgré tout.

“ Si je peux progresser, je vais tout faire pour. Je pense que les exercices peuvent m’aider à progresser un peu, surtout au niveau de la proprioception. »

La proprioception est un handicap quotidien pour lui, on qualifie ce handicap en expliquant qu’il s’agit du fait qu’il n’a pas conscience de son corps dans l’environnement. Il a besoin de regarder ses jambes pour comprendre qu’elles sont là, s’il ne les voit pas c’est comme s’ il les “oubliait”.

Les tests psychomoteurs qui lui sont faits prouvent qu’il a tout pour marcher comme avant, seulement ses jambes ne veulent pas répondre.

Il a toujours eu un grand besoin de liberté, il aime bien faire des choses de façon inopinée.

“J’aime bien faire un peu n’importe quoi, un peu fou, c’est d’ailleurs ce qui m’a valu d’être dans cette situation. J’aimais bien aller me balader le soir dans les couloirs de l’hôpital, j’aime bien faire des choses qui n’ont aucun sens, j’ai besoin de sortir des clous pour me dire que ma vie est cool, et que j’ai vraiment fait tout ce que je voulais.”

Avec l’ergothérapie, il a énormément progressé au niveau de la force des membres supérieurs. L’ergothérapeute lui a proposé sur la fin de cuisiner pour rééduquer les mains et les bras. 

“On allait faire les courses pour aller acheter les ingrédients, j’étais très content quand on y allait on sortait un peu de l’hôpital, j’avais l’impression de faire mes petites courses personnelles. Mais elle continuait quand même de me “torturer” en me faisant prendre des aliments de façon précise et de les déposer le plus loin que je pouvais. Je me rappelle avoir invité mon père et mon meilleur ami à venir manger une pizza que j’avais préparé. La deuxième recette, c’était une tartiflette. J’ai voulu faire une surprise à mon père car ce n’est pas très longtemps aux alentours de la préparation de ce plat que j’ai fait mes premiers pas. Je voulais donc lui ramener le plat en me levant et en marchant sans canne, sans béquille, je l’ai fait et mon père n’a pas tout de suite fait attention, c’était assez marrant.”

“Depuis mon accident d’ailleurs, je m’empêche vraiment de penser. Je déteste me retrouver à ne rien faire, à devoir penser. Je fais toujours en sorte d’avoir de la batterie, d’avoir de la musique dans les oreilles, je ne sors jamais sans tout ça. il n’y a que quand je suis avec des gens que je ne suis pas connecté. Quand je suis seul chez moi, quand je fais à manger, je regarde une vidéo ou je mets quelque chose en fond. Je ne veux pas me laisser le temps de penser. Je continue d’être sur les écrans ou de parler avec des gens jusqu’à arriver au moment ou je ne peux plus tenir et ou je m’endors sinon je revis ce que j’ai vécu en réanimation et je pourrais aller trés trés trés mal” 

Aujourd’hui, il va de mieux en mieux, il n’a pas été très mal depuis longtemps. 

Il est heureux de parler de tout ça car il a peur d’oublier. C’est son histoire.

“Je ne sais pas trop pourquoi j’ai besoin que tu écrives ça, c’est mon histoire, j’aurais trop peur de perdre ça sinon je me perdrais moi, ce serait une sorte de mort si je m’oubliais à ce moment-là. » 

Ce qui est aussi intéressant avec les réseaux sociaux, c’est qu’avant que son documentaire ne sorte et qu’il subisse une vague de haine, il ne s’était jamais vraiment “remis en question” par rapport à son accident. Aujourd’hui il se rend compte qu’il ne culpabilisait pas forcément car il était vraiment entouré et personne ne l’avait jamais “condamné” par rapport à cet acte. Il réalise que son état est dû en grande partie à de l’inconscience du danger, il est très casse-cou. Il admet ses erreurs. Bien que le fait d’être entouré l’ai aidé, malgré quelques faiblesses humaines, il a su faire preuve d’une grande force mentale.

“Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte que si je n’étais pas aussi impulsif il ne me serait jamais arrivé un truc pareil. Quand j’y pense, je me dis que si j’avais pris ne serait-ce que quelques minutes pour vraiment réfléchir à ce que j’étais sur le point de faire, je ne l’aurais clairement pas fait.”

En creusant un peu plus, il m’a expliqué qu’il a été diagnostiqué précoce très jeune et qu’il a une pensée en arborescence, aussi appelée pensée en réseau. C’est l’idée que les pensées ont toutes des sous pensées qui se relient, les pensées se développent dans plusieurs directions en même temps.

Il est aussi un overthinker, ce trait se caractérise par le fait de ne pas réussir à ne pas se laisser submerger par ses pensées et ses émotions. Plus communément appelé “ruminage mental” c’est quelque chose de trés fatiguant moralement et mentalement, il a besoin sans cesse d’être diverti pour mettre ses pensées sur pause. Tik tok, sa communauté et les réseaux sociaux en général l’ont énormément aidé lors de sa rééducation et encore aujourd’hui puisque ça l’aide à ne pas réfléchir à des choses trop sombres.

Je lui ai alors demandé ce qu’il dirait à quelqu’un qui lirait ça, si il ne devait dire qu’une chose :

“je me sens mieux aujourd’hui, je dirais même que ma vie est plus belle, j’ai conscience de la chance que j’ai, je suis passé par des moments vraiment horribles et aujourd’hui je vais bien, j’ai eu la chance d’être bien entouré.” 

Parler du handicap avec Simon m’a apporté énormément, humainement.

Et toi, c’est quoi ton histoire ?

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