Laurianne

Logo réduit Afterlife

Mon dernier diagnostic date de fin 2021. Je m’appelle Laurianne et je souffre de dépression et d’un trouble anxieux généralisé.

J’ai été diagnostiquée pour la première fois en 2017 ou 2018. A l’époque, je finissais ma première année d’études supérieures, mais je pense que ma dépression a commencé avant ça, en terminale.

Le pourquoi est difficile à définir. Ce pourrait être parce que je suis une femme grosse et pour beaucoup de personnes, y a-t-il quelque chose qui mérite moins l’amour que ça ? Ce pourrait être aussi parce que le propre de la fin du lycée, c’est d’avoir un objectif professionnel, et j’avais plutôt l’habitude de papillonner et tout vouloir faire, plutôt que passer ma vie sur une seule chose. Ce pourrait aussi être parce que, comme la plupart des jeunes, j’ai été harcelée moralement, au moins jusqu’à un certain point où ma confiance en moi est devenue inexistante.

Au lycée, j’avais des amies, bien sûr, mais j’étais souvent la cinquième roue du carrosse lorsqu’il s’agissait de faire des choses ou de discuter. Je me sentais comme une pièce rapportée, invitée lorsqu’on s’en souvient, reconnue quand on en a besoin. J’avais aussi quelques meilleures amies, mais toujours avec ce genre de relation qui peut exprimer la plus grande proximité un jour, puis une certaine distance le lendemain. 

Toujours est-il que dans ma famille, l’intelligence et le succès sont souhaités, et j’ai toujours été assez bonne. Prise en exemple par mon père devant ma sœur, le fardeau de la réussite ne faisait que s’alourdir alors que je voyais ma sœur suffoquer de son côté, écrasée sous le poids de mon exemple, que je trouvais moi-même insuffisant.

Enfin, la terminale achevée, c’est âgée de 17 ans que j’ai choisi un métier dont je me suis convaincue qu’il était fait pour moi, et j’ai commencé l’Infocom. Le monde des start-up, de la communication, un métier dans lequel on s’imagine facilement plein de succès, téléphone à la main, avec des collègues assez jeunes et une ambiance de travail qui le serait tout autant. 

Je pense que c’est le retour à la réalité qui a généré le choc « déclencheur ». J’aimais partiellement ce que je faisais, j’avais trouvé un nouveau groupe d’amis avec qui les choses sont bien allées un temps, je n’étais pas mauvaise, à proprement parler. Puis la motivation a commencé à s’estomper. J’ai réalisé que ma formation n’était pas faite pour moi, que je le voyais comme un échec, et que j’avais une peur bleue de l’échec. J’ai arrêté d’aller en cours, presque totalement, en essayant quand même de réaliser une partie du travail demandé. J’ai réalisé que depuis toujours, beaucoup de choses m’avaient impacté, d’une manière que je ne réalisais que seule avec des émotions que j’étais obligée d’affronter. 

Je réalisais que depuis toujours, on m’avait contrainte au silence, que l’on préférait à mon flot de paroles parfois sans fin.  « Trop long », « J’ai arrêté de t’écouter »  m’avait-on dit, un peu trop souvent. Comme s’il était anormal de parler beaucoup pour un enfant. J’ai réalisé que ma valeur ne valait que celle de ma réussite, et que tout le monde vivait comme ça. J’ai réalisé que disparaître ou mourir dans mon sommeil ne pouvait pas être pire que ce que je vivais, et que j’aurai été prête à abandonner la vie pour un peu de calme et de repos.

J'ai réalisé que la douleur, même brève, me soulageait psychologiquement, dans le sens qu'elle était comme la punition physique que je pensais mériter.

Et pourtant, depuis le fond du trou, j’essayais encore de soutenir des amis, qui ne me parlaient que de leur propre désespoir, de leur vie compliquée, ignorant mes propres maux, malgré l’effort incroyable qu’il me fallait fournir pour exprimer mes émotions, avec des : « Je suis pas ultra bien, je veux voir des gens, on se fait un truc ? »

J’ai vite compris que certaines personnes demanderaient toujours de l’aide sans être prêtes à la saisir, et que ces personnes sont pour moi les plus dangereuses, parce que j’ai toujours fini par donner jusqu’à n’avoir plus rien, sans pour autant que ça les ait aidé. Je n’ai compris que plus tard que certaines personnes, bien que supposément amis, ne méritent peut-être pas que je mette ma santé mentale ou physique en danger pour eux. Il m’a fallu plus de temps encore pour comprendre que l’égoïsme est parfois la meilleure des faveurs qu’on puisse se faire à soi-même.

J’ai passé de nombreux mois sans formation, études ou même travail, très très isolée, sans une thune, dans un appartement qui était un taudis et où la moindre seconde passée me rappelait l’échec que j’étais. Ironiquement, c’est dans ce taudis que j’ai passé le plus de temps. Je ne sortais que très rarement.

J’ai toujours eu une assez bonne mémoire, mais je n’ai presque aucun souvenir de cette période. Comme si mon cerveau avait occulté toute une période de ma vie, refusant de me laisser voir la misère dans laquelle je me trouvais. 

Il y a bien des choses que j’ai perdu pendant cette période, la pire période dépressive de ma vie. J’ai perdu mon amour pour la vie bien sûr, mon envie d’apprendre, et une chose qui aurait pu tellement m’aider, si j’avais su la garder : la communication avec mes proches. Il n’est pas rare que les gens soient maladroits en parlant, et parfois demander à quelqu’un de reformuler permet de presque résoudre un simple malentendu. Mais si mal dans ma peau, triste comme une pierre tombale et désespérée que j’étais, je me retrouvais à fleur de peau. Je prenais la moindre remarque comme une attaque, j’intériorisais tout ce que je ressentais, ou je répondais avec sarcasme, insolence et violence à tout ce qui ne me plaisait pas. 

C’est l’une des premières choses que j’ai appris à changer, la communication. Avec le temps, j’ai cherché à vouloir m’améliorer, et se rapprocher des gens demande de communiquer avec eux. Il m’a fallu apprendre à demander aux autres de clarifier des choses qui m’avaient blessées, apprendre à dire que même si je sais qu’une remarque part d’un bon sentiment, elle m’avait blessée, à entendre que l’on pouvait me faire certaines remarques sans pour autant attendre de moi que je change.

D’un autre côté, j’ai appris petit à petit à être un peu plus indulgente avec moi. À me traiter comme j’ai toujours traité tout le monde. À m’offrir la compassion et la douceur que je méritais. Ça n’a pas guéri ma dépression, mais ça m’a permis de retrouver un boulot, le temps d’une période d’essai. C’est là que j’ai rencontré un groupe de collègues, puis d’amis, qui aujourd’hui sont peut-être les personnes les plus importantes dans ma vie, après ma famille. Des gens qui aiment, plus ou moins discrètement, mais toujours avec la force de me dire de fermer ma gueule si c’est pour mal parler de moi-même. Leur amour parfois agressif m’a permis de désapprendre pas mal de choses qui me retenaient. Ca passe par des petites choses, comme se reprendre après un « putain mais je suis trop con »

Aujourd’hui encore, je ne pense pas être guérie. Je vais bien mieux, je suis heureuse, entourée, mais j’ai encore des hauts et des bas, et c’est normal. Je suis suivie par un psy chez qui j’ai vraiment envie d’aller à chaque rendez-vous, notamment parce qu’il n’hésite pas à me faire remarquer lorsque je me mens à moi-même, ou lorsque je tiens des exigences pour moi-même que je n’aurais jamais pour d’autres personnes. 

Dans un sens, je pense que tout le monde pourrait bénéficier d’un suivi psy, et ce de bien des manières, mais je serai la première à dire à quel point il est difficile de trouver quelqu’un qui corresponde. J’ai déjà testé en tout 7 psychologues avant de trouver le bon. 

Mais commencer un suivi demande d’être vulnérable, prêt à se confronter à soi-même et à son passé, et lorsqu’on est en dépression, c’est difficile. Alors en attendant d’être prêts à commencer, je ne peux vous donner que quelques conseils :

Toi aussi tu veux partager ton histoire ? Alors contacte moi dès maintenant !