Eliot

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Pour moi, c’est vraiment arrivé sans prévenir, au lycée j’étais plutôt bon élève, assez bien vu par les profs, en couple « stable », tout parfait.

Première année post bac, école d’ingénieur : premier avertissement de la vie : « ne fais pas le malin », j’ai dû me réorienter à la fin de l’année car je n’avais pas assez travaillé, première remise en question, mais à 18/19 ans, ça ne se passe pas trop mal : je me réoriente dans un DUT où je retrouve ce statut de bon élève, le succès, la vie « parfaite » dont on peut rêver à 20 ans.

Étant donné mes bons résultats, on me propose en fin de DUT d’aller faire un stage à l’étranger, aux Etats-Unis. Voulant continuer mon cursus dans une école d’ingénieur après ce diplôme, ce genre de stage est une opportunité en or, j’accepte sans trop poser de question, sans trop en discuter avec ma copine de l’époque, de toute manière c’est seulement pour 3 mois, ça va le faire. Le stage se passe bien, j’ai de bons résultats, je termine major de ma promotion, je suis accepté dans plein d’écoles, la vie est belle.

Trop belle, peut-être.

Je me rappelle du jour où toute cette beauté s’est détériorée, je pousse la porte de l’appartement et je sens déjà une tension. Je suis avec ma copine depuis 3 ans et demi à ce moment-là, on se connaît depuis 4 ans, je sais que quelque chose cloche.
Elle avait des soucis à la fac mais je sentais que ce n’était pas ça. Évidemment ma première réaction c’est de lui laisser un peu d’espace, mais j’ai besoin de savoir.
Elle finit finalement par me dire ces simples mots : “ce n’est plus comme avant”. Le premier sentiment qui me vient c’est l’incompréhension, nous n’avions jamais eu de problèmes. J’essaie alors de me libérer du temps pour elle, quitte à sécher les cours. Ma réussite scolaire en prend un coup mais je ne peux pas la laisser tomber, nous laisser tomber.

D’ailleurs, la réussite scolaire : parlons-en : à ce moment comme je l’ai dit, je suis dans l’école de mon choix depuis environ 2 mois, et la désillusion est intense : dans les matières théoriques (maths/physique etc ..) bien qu’ayant majoré mon DUT, je suis loin d’avoir le niveau, et ce n’est pas facile de rattraper 2 ans de formation scientifique en totale autonomie, en plus de la charge de travail « classique ». Heureusement pour moi, les matières techniques sont plutôt simples et j’arrive à trouver un peu de place dans mon emploi du temps pour limiter la casse. Sauf dans une matière où j’ai genre 10% du bagage requis au début du module, et malgré tous mes efforts, ce n’est pas possible de rattraper.

Donc j’en suis au point suivant : Le seul vrai couple que j’ai eu dans ma vie est en train de s’effondrer, sans que je comprenne vraiment pourquoi, ma formation est plus que difficile, malgré les efforts que je fournis, c’est l’hiver (dans mon mental l’hiver c’est toujours compliqué).

Arrivent les vacances de la Toussaint, on fait chacun nos vacances de notre côté ma copine et moi, et durant celles-ci, elle m’annonce que « ça ne sert plus à rien, c’est fini, on veut plus les mêmes choses, notre couple s’arrêtera là ».

Enorme coup dur.

Pour resituer, je me suis mis avec cette personne, j’avais 17 ans, j’étais au lycée, j’en ai à cette époque 22, je me suis littéralement construit avec cette fille… Je sentais réellement une partie de moi qui me faisait mal… J’ai vraiment ,à ce moment-là, eu le cœur brisé : des douleurs dans la poitrine continuellement etc.

Ma famille du côté de ma mère est une grande famille « à l’ancienne », beaucoup d’enfants par famille, réunie souvent autour des grands parents qui fédèrent, qui transmettent leur valeurs.

Un jour, alors que je sors d’une énième heure de cours ou j’ai juste eu le temps de prendre les notes écrites au tableau (donc va falloir 1,5x la durée du cours pour que je comprenne ces notes)(ah ouais et avec ces histoire de couple, ça va sans dire que mon niveau scolaire s’est pas amélioré), mon téléphone sonne : Mon grand-père est à l’hôpital, on sait pas exactement pourquoi, mais on aura des infos rapidement : ça ne fait jamais plaisir, mais étant quelqu’un de très cartésien, je ne m’inquiète pas plus que ça : à son âge (environ 80 ans), les soucis de santé sont monnaie courante.

Apparemment ça serait un souci aux intestins, rien d’alarmant.

Un soir, alors que je discute avec un pote par message en essayant d’élaborer une stratégie pour « reconquérir » mon ex (avec qui j’habite encore, préavis de 3 mois : un bonheur de torture psychologique), il me confie qu’à son avis ça ne sert à rien : il l’a vue avec quelqu’un d’autre pas plus tard qu’il y a 2 ou 3 jours, et pas de doute : ce n’est pas quelqu’un de sa famille ou quoi. Je suis hors de moi, un mélange de tristesse, de colère, d’incompréhension, de fatigue… Je pète un câble (on s’était juré de toujours tout se dire, même ce genre de choses, et j’y croyais à l’époque) et je fracasse des choses dans notre appartement : je passe littéralement à travers une porte et plusieurs meubles volent.

Une nuit blanche sur un canapé inconfortable se passe, je ne retourne pas en cours le lendemain, je suis totalement détruit, je fais mes affaires, je charge ma voiture, mais impossible pour moi de monter dedans et conduire : je n’ai nul part où aller.
J’ai des partiels la semaine d’après et je ne connais pas grand monde dans la ville.

Bien entendu je n’ai pas eu beaucoup d’explications sur la situation, et il ne semble pas que j’en aurai.
J’appelle ma mère et je lui explique vite fait la situation (elle avait déjà pas mal d’info, mais là elle tombe des nues (comme moi elle pensait que ma copine avait des soucis persos etc., mais pas que c’était ce genre de « soucis »)) elle va me trouver un appartement.

Quelques semaines se passent, première semaine de partiels, un jeudi :

Je termine un examen et je rentre chez moi pour y passer l’après-midi. Elle était là, on ne s’était pas vus ni parlé depuis quelques semaines car je lui avais dit de quitter l’appartement et d’aller chez des amies à nous le temps que la situation évolue, c’était vraiment une torture de vivre ensembles.

On discute un peu et mon téléphone sonne :

Le souci de mon grand-père est en fait plus sérieux qu’il en a l’air : une grosse tumeur dans l’intestin, une dans les poumons, et énormément de métastases tout le long de la colonne vertébrale. Il est condamné, il lui reste 2 ou 3 mois tout au plus.

Deux semaines avant, il changeait le toit de son abri de jardin.

Je m’effondre, deuxième coup dur, mais bon, à son âge il fallait que ça arrive tôt ou tard : personne ne vit éternellement. (Là c’est la personne rationnelle en moi qui parle, en vrai je n’ai pas eu ce recul là tout de suite)

Quasiment dans la foulée arrivent les vacances de noël, toute la famille se réunit, sans mon grand-père du coup : ça fait bizarre.

Il avait vraiment ce rôle de patriarche et son absence se remarque. Je vais le voir à l’hôpital, mais ce n’est plus lui, il a dû perdre 30% de son poids depuis la dernière fois que je l’ai vu, il est pâle, les joues creusées, il ne parle quasiment plus … Sûrement pas l’image que l’on veut garder de son grand-père.

Passons aux fêtes de noël où tout le monde te demande « pourquoi tu es tout seul cette année » (Bizarrement je n’avais pas fait de communiqué de presse pour annoncer notre rupture).

Me revoilà, début janvier dans un appartement vide, seul, avec l’horrible impression qu’on m’a arraché une partie de moi. C’est dur.

Deuxième partie de mes partiels à venir : il ne me reste plus que la matière ou j’ai le plus de difficultés, ma bête noire, je n’ai pas du tout la tête aux révisions, c’est un échec couru d’avance, et probablement un redoublement (ou un échec) qui se profile.

Un lundi, on m’appelle : mon grand-père est décédé. Je m’effondre encore, même si je m’y attendais.

Le constat à ce moment est le suivant :

J’ai 22 ans :

  • J’ai déjà redoublé une fois, mon année s’annonce plus que compliquée à valider et visiblement dans l’école ou je suis, redoubler cette année n’est pas coutume, surtout quand on vient de « l’extérieur » comme moi. (Enfin, pour rétablir les faits après-coup, ça aurait largement été possible au vu de mon cas, mais je ne le savais pas à ce moment précis).
  • Je ne suis plus moi-même dans la mesure où j’ai littéralement perdu ma moitié. Et je ne sais même plus vraiment qui je suis (ça paraît bizarre à lire, mais les personnes l’ayant déjà vécu verront exactement de quoi je parle). Je ne pense qu’à elle, je dors entre 3 et 4h par nuit parce que dès que je ferme les yeux je ne pense qu’à elle. C’est grave.
  • Je viens de perdre mon grand-père, et j’ai vraiment l’impression de ne pas avoir assez « profité » de lui (on habitait à 550 km depuis 16 ans …). Je culpabilise beaucoup là-dessus, ça n’aide pas à retrouver « qui je suis » : Je ne m’aime pas ou plus.

 

Cette culpabilité me fait me questionner, et je commence à me rendre « coupable » de toute l’histoire de mon couple qui s’est cassé :

Je n’ai pas été assez bon, pas à la hauteur

Devant ce constat (qui me monte à la figure en quelques heures), je m’effondre. Pas moyen de retourner en cours (le cadet de mes soucis), je suis dans tous mes états, je me replie sur moi-même et coupe tous les ponts avec l’extérieur pendant plus d’une journée.

J’ai décidé de ne pas aller en cours pendant les jours qui ont suivi, je zone dans mon appartement sans rien faire, sans dormir…

Et finalement au bout de plusieurs jours, je vois que j’ai reçu un mail. Un mail d’une enseignante de l’école, chargée du bien-être étudiant ou quelque chose comme ça. Le contenu du mail est approximativement le suivant :

Les jurys approchants bientôt, nous rappelons à tous les élèves que si un élément extérieur à la vie de l’école a pu influer sur vos résultats, si vous avez quelque chose à faire remarquer à l’équipe, ou tout simplement pour discuter, vous pouvez me solliciter ou tout autre membre de l’équipe de l’école.

A ce moment-là, j’ai déjà eu des soucis dans ma vie, mais c’est la première fois que je suis aussi bas, avant j’avais toujours réussi à faire la part des choses. Je réfléchis beaucoup, pas fan du concept d’excuser ou de justifier mes défaillances scolaires. Mais bon, après une longue réflexion, je décide de contacter l’enseignante pour solliciter un rendez-vous. Je suis un peu dans un mood « révolté contre cette pute de vie, tant qu’à m’être fait baiser, autant que ça me serve ».

In fine, le rendez-vous qu’elle me propose est dans assez longtemps, en tout cas trop pour moi, je décide donc de contacter mon responsable de filière qui est un professeur que j’apprécie et à qui je pense pouvoir me confier.

Il me reçoit dans son bureau le lendemain, ne sachant vraiment pas à quoi s’attendre.

J’arrive, je pense que je dois être à 5h de sommeil en plusieurs nuits et j’ai perdu pas loin de 9kg en 2 mois.

Je fais référence au mail, en expliquant que j’ai eu « pas mal de galères récemment » et que « je souhaite le partager » avec lui, pour avoir son point de vue, et surtout, pour parler de mon partiel, qui a lieu le lendemain (On est un jeudi midi, j’ai appris le décès le lundi, le partiel est vendredi après-midi, l’enterrement samedi matin, à 600km, je ne suis clairement pas dans un état de conduire, encore moins de nuit. Et pour rien au monde je ne le louperai).

Je commence à raconter mon histoire, globalement le même récit que jusqu’ici, c’est très dur, pour moi, mais je vois également qu’il commence à comprendre ce que je vis.
Après avoir fini de raconter, je suis fatigué, je pense que j’ai utilisé mes dernières forces, mes dernières larmes pour raconter. Mais il a clairement compris.

Il me réconforte du mieux qu’il peut. Mais surtout, je vois qu’il comprend, et ça fait du bien.

Il me rassure sur le fait que ça sera considéré dans mes résultats, que ma réaction est totalement humaine, excusable.

Je suis excusé pour le partiel du lendemain, je passerai dans une prochaine session avec les autres absents. Il m’encourage à aller à l’enterrement, à laisser les cours de côté, et à profiter une dernière fois de mon grand-père. Ce que je fais.

L’enterrement est « bien » je ne sais pas vraiment comment l’expliquer, mais il était tellement important pour toute la famille que l’on s’est vraiment tous retrouvés, tristes, mais soudés et a vraiment pu échanger, partager nos souvenirs de chacun avec lui, en pleurer mais aussi en rire !

Pour la suite, afin d’abréger ce récit déjà beaucoup trop long : J’ai pu me remettre de ce décès, j’ai finalement réussi mon partiel quelques semaines plus tard, sur les conseils d’un ami proche, je me suis « reconstruit » en m’investissant dans l’association de mon école, dans un club sportif, en faisant du sport. J’ai validé cette année, celle d’après, et je suis aujourd’hui diplômé.

En ce qui concerne mes relations, je pense que le mot « chaotique » a dû être inventé pour ça, entre relation pansement, relations « pour ne pas être seul », et relation toxique, j’ai eu mon lot. Je ne sais pas si c’est lié à cette histoire ou à l’accumulation, mais aujourd’hui, malgré une façade de « bout en train », j’ai une douleur de fond, un manque de confiance en moi et une « fausse assurance » qui me rongent. Mais ça va.

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