Le 21 avril 2023 à 01h32 c’est l’heure où je suis morte. L’heure à laquelle mes rêves, mes ambitions de carrière et surtout mon monde est mort. Abandonnée sur un brancard au milieu des urgences en attendant d’être prise en charge, je regarde le plafond. Livide, vidée de ma vitalité, j’ai touché le fond et je me suis enterrée.
J’étais bien loin de me douter du chemin à parcourir, de ce qui m’attendait et surtout de ce que je devais affronter.
Sortie des urgences, me voilà seule sur ce parking morose, le ciel gris et un sac poubelle en guise de baluchon. Le pull que je porte sens l’hôpital, je ne me suis pas douchée depuis plusieurs heures et je n’ai jamais eu autant l’impression de sentir la défaite.
Il s’ensuit une longue période de repos et de remise en question, le burn out est diagnostiqué 2 mois après mon premier passage aux urgences, mais une autre bête se cache derrière tout ça : la dépression.
Si dans cette histoire il y a bien une chose qu’on ne peut me reprocher c’est la combativité : je me suis battue comme une lionne. Après 2 mois d’arrêt maladie, je décide de remonter en selle et là… Je n’en suis plus capable. Le 2 août 2023, sur l’île d’Yeu, tout l’espoir et la joie ont disparu de mon corps : je ne suis plus capable de faire mon travail. Trop abîmée ? Trop sensible ? Trop fragile ? Malheureusement, juste une succession de malchances et de mauvaises personnes sur mon chemin, je suis épuisée. Les mots, les actes, tout se mêle dans ma tête. Toutes les fois ou j’ai relevé la tête, avancé et enfoui ce qui n’allait pas, tout ça me pète au visage ce jour-là. Je ne suis pas seule, mais je me sens seule.
Lors de la traversée, la mer est en furie à cause d’un avis de tempête. Et dans ma tête aussi c’est la tempête.
Les semaines qui ont suivi ont été ponctuées de crises de larmes, d’angoisses.
J’aimerais dire que j’ai tout de suite trouvé comment me relever de ça, comment aller de l’avant et passer à autre chose. La vérité c’est qu’on ne passe jamais vraiment à autre chose, mais on apprend à vivre avec.
Toujours dans l’idée d’utiliser ce temps à bon escient, j’ai décidé de partir en introspection sur moi même. A la façon Mange,Prie,Aime j’ai mangé, prié et aimé jusqu’à trouver ou retrouver une légeretée de la vie et me recréer un autre univers. Jusqu’à ce que ça devienne une habitude.
J’ai commencé par réapprendre à manger. L’angoisse m’avait tellement abîmée l’âme qu’elle avait également complètement détruit mon envie primaire de me nourrir et de me donner de l’énergie. Alors, j’ai dû tout reprendre depuis le début mais sans me prendre la tête, ne pas réfléchir aux calories et me faire plaisir. Mais comment avoir envie de se chouchouter quand on est plus motivé à vivre ?
Eh bien on arrive à la deuxième étape : prier. De façon spirituelle, de façon personnelle, de façon à se reconnecter à quelque chose. Ce en quoi je crois reste personnel, je ne le partagerais pas ici. Ce qui est sûr, c’est que j’ai prié de pouvoir écrire, raconter et redonner de l’espoir alors que je n’en avait plus une once. J’ai prié de voir le jour se lever une journée de plus, de réussir à sourire et de vivre de nouveau.
Et j’ai réussi, avec de l’aide mais j’ai réussi. J’ai commencé à écrire ces lignes dans l’avion qui nous emmenait au Canada, ou j’ai réappris à prendre plaisir à toutes sortes de choses comme tester de nouvelles experiences gustatives, l’odeur des feuilles de l’automne et leur bruit quand elles craquent sous les pieds, faire de longues balades dans les parcs nationaux tantôt habillés des couleurs de l’été Indien, tantôt enveloppé d’un manteau blanc et nous entourant de son silence presque solennel pour pouvoir profiter au mieux de ces moments de découverrte du monde et de soi. La découverte d’un pays aux mœurs différentes, plus chaleureux et amical.
Et pour finir, il a fallu réapprendre à aimer. Ca devait commencer par réapprendre à m’aimer moimême, m’habituer au fait que je mérite d’avoir ces moments de bonheur et de détente après tant de souffrances et de combats. Apprendre à accepter tous ces moments que je n’ai pas eu avec les êtres aimés car trop impliquée dans mon travail. Accepter que j’ai de nombreuses fois abandonné l’homme de ma vie au détriment d’arranger certains collègues qui aujourd’hui me donnent la nausée. Accepter que malgré tout ça il ne m’a jamais laissé tomber et est resté à mes côtés, m’enveloppant chaque jour de plus en plus de son amour. Accepter l’accalmie et réfléchir à un potentiel avenir même s’il est clairement différent de ce que j’avais prévu. Apprendre à aimer la spontanéité, moi qui avait l’habitude de tout millimétré. Aimer sortir, voir des gens et en rencontrer d’autres, moi qui avait l’habitude d’être de plus en plus isolée.
Et la continuité de ce voyage, c’est la découverte du monde. J’ai découvert le roller il y a quelques mois sur un conseil de mon psychologue, me trouver une activité où je pourrais apprendre à combattre ma phobie et mon anxiété sociale et surtout : reprendre confiance en moi. Le roller c’est une discipline où on ne cesse de s’améliorer, ou bienveillance et soutient sont toujours au rendez-vous, où on se sent assez entouré sans perdre notre liberté.
Des roues vertes pour un avenir plus rose, c’est aussi une ôde à cette discipline qui m’a fait radicalement changer d’avis sur le monde qui m’entoure, qui m’a fait croire aux deuxièmes chances de la vie, qui m’a fait redécouvrir l’amitié mais aussi la joie de découvrir de nouvelles figures, le courage de rouler de nouveau même si je suis tombée un nombre incalculable de fois. Tomber sous les applaudissements car “une chute n’est pas une fin en soi”.
Redécouvrir ce que c’est de vraiment rire, d’être heureuse d’avoir des courbatures et des bleus sur les genoux, de ne plus avoir peur de tomber car on finit toujours par se relever.
Et nous y voilà, 2024 pointe son nez et j’ai enfin confiance en l’avenir, je sais aussi remettre mon âme de jeune voyageur dans la vie entre les mains incertaines de l’avenir et j’accepte tout ce qui se présentera à moi.
une chute n’est pas une fin en soi