Chapitre 1 – Le deuil

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J’ai longtemps tourné dans ma tête la façon d’écrire ce texte. Si il m’est aisé d’écrire sur les gens, de les écouter, de les aider à extérioriser, j’ai du mal à effectuer ce travail sur moi même. 

 

Beaucoup d’entre vous sont au fait de mes soucis psychologiques comme dernièrement physique. J’ai toujours eu une faculté assez grande pour m’accrocher, et une grande résilience, si je dois être honnête avec toi petite âme qui me lit, ça n’a pas toujours été le cas et il serait hypocrite que de te faire croire que j’ai toujours été forte.

 

Le propre de l’être humain et sa condition en elle-même consisteraient à être toujours plus fort, toujours plus heureux, aller toujours plus loin, viser toujours plus haut. L’humain est menteur, c’est aussi un tragédien hors normes parfois. La vérité c’est que la force se cache dans la faiblesse, tant qu’on ne l’a pas connue on ne sait pas de quoi on est capable de se relever, encore moins ce qu’on est capable de viser.

 

Je n’ai pas toujours été heureuse, à vrai dire pendant un moment je ne me suis plus sentie vivante. Telle une poupée articulée que l’on mettait en marche chaque matin à l’aide d’une clef insérée dans son dos, je me laissais guider par l’allure robotique de mon travail et de ma vie en général. Quel est le moyen de repli quand ressentir quelque chose est trop difficile, insurmontable ? D’aucun vont aller chercher refuge dans l’alcool, les psychotropes ou encore n’importe quel produit qui les aideraient à s’anesthésier le temps d’une seconde pour enfin souffler. D’autres, je fais partie de ces autres, vont machinalement se remplir la tête de tout un tas d’informations, vont décider de marcher jusqu’à ne plus sentir leur jambes, vont chercher à insuffler une bouffée de bonheur en allant gravir les échelons, vont choisir de ne pas s’écouter pour ne pas se lamenter, pour ne pas sembler être un poids, j’ai l’impression d’être un poids. 

 

Il y a 3 ans, je gravissais les échelons de la vie : une belle carrière, un couple heureux, de bonnes appréciations de mon entourage, une vie sociale riche et très entourée. Tout ce dont mon enfant intérieur aurait rêvé, lui qui n’avait jamais réellement été écouté, réconforté ou entouré. 

 

Et quand je repense à cette période, qui me paraît à mi-chemin entre l’inexistant, le rêve et la vie antérieure, je me revois face à ma plus grande hantise : ressentir le malheur. 

 

Si je devais donner ma définition du malheur étant jeune ça aurait été d’une part la fin de Pokémon, la mort de Pikachu ou une pénurie de Coco Pops. Plus tard, ça aurait été la fin totale du cinéma, la mort de mon écrivain de bd préféré, ou encore l’arrêt total de la franchise Tomb Raider. Plus on vieillit, plus le malheur devient quelque chose de palpable, on réalise la véritable perte qui peut s’effectuer. La perte d’un sens, de la santé, d’un proche. 

 

Mon vrai malheur, c’était ce jour d’août 2020 ou je l’ai perdue. Elle, cette femme d’une bonté sans pareil, d’une bienveillance inouïe. La seule femme qui m’a traité comme mon enfant intérieur aurait aimé être traité. La seule femme qui, finalement même après des années et à l’âge adulte, continuait de voir en moi cette enfant rayonnante qui couraient sur le port de La Teste, ou sur la jetée du port d’Arcachon. Cette femme qui me faisaient aimer la vie quand je l’entendais rire, et qui me disait de me battre plus fort quand je m’appitoyais. La force n’est pas seulement intérieure, elle est aussi très présente dans le cœur de nos proches. 

 

Mon malheur a ensuite continué lorsqu’il a fallu lui dire au revoir. Dans le commun des mortels et depuis la nuit des temps, on dit adieu à nos aînés qui partent rejoindre les cieux. C’est une chose banale pour les plus anciens d’entre nous “la mort fait partie de la vie, sinon quel en serait le but ?”. Ce jour-là, j’ai découvert que j’étais allergique à la mort. 

 

Dans le froid et la lourdeur de cette chambre mortuaire, j’ai 7 ans à nouveau mais cette fois personne n’est là pour me rassurer. J’avance, puis j’ai 15 ans et une rose à la main qui me pique les doigts, mais tu n’es pas là pour me soigner. Et je réalise, j’ai 23 ans et tu es là, allongée mais je suis incapable de te donner un dernier baiser, au fond de cette pièce si terne, si triste, ou la vie n’existe plus. Tu m’as accompagnée dans tant d’épreuves qu’aujourd’hui mon malheur continue car j’ai l’impression de ne pas t’avoir donné le dernier salut que tu méritais. Je me retrouve face au constat de ce qui nous attend tous, en réalisant peu à peu la cicatrice déchirante et surtout permanente que c’est en train de me créer.

 

Avec le temps tout guérit, je pensais t’avoir laissé partir. Je t’ai au moins accompagnée jusqu’à ta dernière demeure où je t’ai fais une promesse : celle de revenir t’apporter des roses blanches, symbolisant la pureté d’âme si légère qui, sans aucun doute, à rejoins les cieux aussi vite que la pluie est tombée sur nous ce jour là. 

 

Mon malheur à continué car je n’ai pas accepté de te dire au revoir, je n’ai pas accepté d’en parler, je voulais moi aussi être anesthésié. Plus tard, ce sont les crise d’angoisses qui sont arrivées, et je n’arrivais pas à me calmer. Je n’arrivais pas à dormir. Même avec toutes ces âmes chaleureuses autour de moi, c’est de la tienne dont j’avais besoin. Dans ces moments-là, j’ai à nouveau 7 ans et je suis seule. Et quand je réalise, le sol se dérobe sous mes pieds: j’ai peur de mourir. 

 

La maladie t’a emportée, et depuis une phobie s’est accrochée : l’hypocondrie. J’ai moi aussi ma maladie tu sais, elle ne m’emportera pas mais elle me fait imaginer pas mal de fois que ça va être le cas. Je fais un gros bout de chemin avec cette phobie, elle s’accroche. Et maintenant avec l’âge, je réfléchis, je me fais aider tu sais, je parle à des professionnels qui eux ont enfin compris que ce n’était pas juste dans ma tête. Et je me bats, comme une lionne. J’écris, je dessine, je crée, je m’exprime comme je te l’ai promis car je ne t’ai jamais abandonné. Mon enfant intérieur te tient toujours la main, continue de faire des tableaux avec toi et de parler des garçons (ou des filles), il continue de se mettre du vernis sur les ongles et de toucher avec la langue pour être sûr que c’est sec. Il continue de rire avec toi en essayant une des dizaines de perruques que tu avais, il continue aussi de jouer au loto, il est aussi à ton premier vernissage, il est assis avec toi devant cette petite maison où on pouvait apercevoir la plage de loin comme sur une carte postale, il est avec toi et écoute le bruit des cigales. 

 

J’espère que tu ne m’en voudras jamais, mais c’est avec la gorge serrée qu’aujourd’hui je t’écris tous ces mots, je t’ai laissé cette partie de moi un peu trop longtemps j’en ai peur et elle est fatiguée, elle doit se reposer. Je ne peux plus la laisser dans cette petite pièce sombre et lourde toute seule, apeurée. Je te laisse ces mots qui te parviendront j’en suis sûre mais je dois te faire mes adieux pour de bon, et quoi de plus beau que de le faire par l’écriture ? Toi qui aimait tant l’art, tu pensais que je ferais des films ou des tableaux, me voilà devenue écrivaine des âmes écorchées, littéraire pour personnes abîmées, scribe de l’espoir pour l’éternité car j’essaierais toujours de le trouver. 

 

Ne m’en veux pas, je quitte cette pièce car il est temps, 3 ans que je la voit tous les soirs et qu’elle me hante, ce n’est pas le souvenir que je veux garder. 

 

Je préfère t’avoir dans mon cœur pour toujours, et ne jamais oublier ton rire, ton visage, tes conseils. Je préfère dire au revoir au deuil et continuer d’apprécier la vie, toi qui m’avait dit qu’elle m’offrirait tout ce dont je rêve, je vais en profiter.

 

Je récupère mon enfant intérieur mais te laisse tous les baisers et l’amour, je vais continuer de voguer pour nous, de rêver, continuer d’être entourée mais pas des mauvaises personnes, continuer de voyager, continuer d’aimer, continuer d’avancer, même si je t’avoue que parfois la route devient de plus en plus brumeuse je te promets de continuer de garder le cap, de continuer de voir la beauté, de continuer d’y croire et de toujours voir le positif. 

 

Je te promets de respecter toutes mes promesses même si je ne t’en ai pas donné l’impression, je te promets de revenir te voir et de tout te raconter.

Je te promets de continuer de créer car c’est un don qui m’est précieux, et j’ai l’impression que tu continueras de vivre un peu dans mes créations.